"A l'heure où les partenaires de la Grèce au sein de la zone euro tentent de se mettre d'accord pour lui éviter une faillite, de nombreuses questions restent encore sans réponse.
1 Le nouveau plan de sauvetage règle-t-il le problème de la dette grecque ?
Une grande partie de la réponse dépend du retour à la croissance. Pour l'ancien ministre des Finances Georges Papaconstantinou, la question n'est pas de savoir si le nouveau plan permettra de revenir à un endettement de 120 ou 129 % du PIB en 2020 car nul ne sait, à ce stade, quel sera le rythme et l'ampleur du redressement de l'économie du pays.
Panayiotis Korliras, le président du Centre de programmation et des études économiques (Kepe), table sur la fin de la récession dans le courant du deuxième trimestre de 2013, après un nouveau repli du PIB en 2012 de l'ordre de 3,5 %. « Les réformes structurelles contenues dans le second programme de financements sont d'une grande utilité pour accélérer le retour à la croissance », affirme-t-il. L'amélioration des finances publiques est réelle, quoique lente et encore très fragile. Au second semestre 2011, Athènes a dégagé un excédent primaire de 831 millions d'euros et, en 2012, l'Etat devrait réduire son déficit primaire à 636 millions d'euros.2 Combien les créanciers privés vont-ils perdre ?
Dans le cadre de l'accord de restructuration de la dette grecque, les créanciers privés, banques, assureurs, fonds de pension et fonds d'investissement vont perdre environ 100 milliards d'euros sur les 200 milliards qu'ils détenaient. Leurs obligations d'Etat vont être échangées contre des titres dont la valeur sera inférieure de moitié. Il s'agira, pour 15 % du montant initial, d'obligations émises par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et pour 35 % d'obligations grecques à 30 ans, le solde (50 %) étant perdu.La perte est augmentée en raison de l'allongement de la maturité des titres (l'argent est immobilisé plus longtemps) et d'un taux d'intérêt plus faible servi sur les nouvelles obligations, à 3,5 % environ. Au total, pour une décote de 50 %, la perte des créanciers privés avoisinera en réalité 70 % de la valeur comptable des titres d'Etat grecs. L'ampleur des pertes que devaient supporter les détenteurs privés de dette grecque n'a cessé d'augmenter au cours des négociations (21 % en vertu de l'accord de juillet, puis 50 % en octobre et désormais 70 %). La plupart des établissements ont pris les devants et passé de lourdes provisions. Les banques allemandes Deutsche Bank et Commerzbank, la britannique RBS ou la néerlandaise ING s'étaient déjà alignées sur le prix de marché de la dette grecque, prenant en compte une décote de 75 %. Les banques françaises ont fait les derniers ajustements pour s'aligner sur cette perte dans leurs comptes 2011.3 Quel coût pour la France ?
Pour l'instant, la France a gagné de l'argent en accordant des prêts à la Grèce. Dans le cadre du premier plan d'aide européen, Paris a décaissé 6,94 milliards d'euros en 2010 puis 4,45 milliards l'an dernier, soit quelque 11,4 milliards sur les 16,8 milliards d'euros de prêts bilatéraux prévus sur trois ans côté français. Ces décaissements ont accru le déficit budgétaire d'autant, mais pas le déficit public au sens de Maastricht car il y a une créance en face, qui, pour l'instant, n'est ni effacée ni rognée. Comme la France emprunte à des taux inférieurs à ceux imposés à la Grèce, l'Etat y a gagné plusieurs centaines de millions d'euros d'intérêts.Les dernières tranches de prêts bilatéraux ne seront pas débloquées sous la même forme, mais dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière, sauf peut-être la tranche de 900 millions d'euros qui était prévue en décembre dernier et qui a été reportée, sans doute à mars (si un accord est trouvé avec la Grèce). Les engagements qui doivent être pris par la France dans le cadre du deuxième plan d'aide ne pèseront que sur la dette publique, à mesure des émissions du FESF, qui doit ensuite être relayé par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Pour le contribuable français, tout pourrait changer si la Grèce était amenée à faire défaut. Il faudrait alors procéder à une restructuration de la dette dépassant la sphère privée. La France peut aussi être affectée en cas de déstabilisation des banques en zone euro, si cela devait obliger l'Etat à aider directement les établissements français.4 Le FMI va-t-il continuer à soutenir la Grèce ?
Le Fonds monétaire international (FMI) envisage de contribuer au nouveau plan de sauvetage international pour la Grèce par un prêt de 13 milliards d'euros, affirmait vendredi le « Wall Street Journal ». Ce à quoi le FMI a répondu qu'il n'avait « pas encore déterminé » le montant exact de son soutien. En début d'année, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, n'a cessé de faire pression pour pousser à la hausse la participation des créanciers privés, tout en réclamant aussi à la BCE de faire un effort. Son but ? Minimiser la participation du FMI au deuxième plan de sauvetage, alors que des aides à la Grèce représentent déjà le principal engagement jamais pris par le FMI sur un seul pays.Sur les 110 milliards du premier plan de sauvetage, 73 milliards ont déjà été déboursés.Sur la part restante, qui sera basculée dans le second plan de sauvetage, le FMI ne remet pas en cause sa participation. Mais pour aller au-delà, le FMI doit soumettre une demande à son conseil d'administration, ce qu'il n'a pas encore fait. Tout dépendra en partie des résultats des efforts de renforcement du fonds, les Européens ayant promis de dégager 200 milliards de ressources supplémentaires pour le FMI.5 L'avenir du pays dans la zone euro est-il assuré ?
Des déclarations récentes de ministres hollandais, finlandais et allemand ont semé le doute sur la volonté de maintenir la Grèce dans la zone euro. Toutefois, depuis le début de la crise et dans toutes les déclarations des chefs d'Etat à l'issue des sommets européens, il a toujours été écrit que l'avenir de la Grèce était dans la zone euro. Le FMI l'a aussi exigé.Une récente étude d'UBS montre qu'une sortie de l'euro aboutirait à la perte de la moitié du PNB la première année. La Grèce n'a pas grand-chose à gagner à une dévaluation massive, alors que sa principale force concurrentielle ne s'exporte pas : son patrimoine historique et naturel.6 La Grèce peut-elle devenir ingouvernable ?
Les milieux économiques et financiers grecs sont convaincus que tout va dépendre de la levée de l'incertitude politique et de l'octroi du second programme de financements internationaux. Les prochaines élections prévues en avril risquent de faire la part belle à l'extrême-gauche et à l'extrême-droite, opposées au « Mémorandum 2 » et à l'abstention.Plusieurs sondages donnent les formations de la gauche et les écologistes à plus de 40 % et celles d'extrême droite à 11 %. L'abstention pourrait s'élever à 30 %. L'issue la plus probable reste la formation d'une majorité réunissant les deux partis qui soutiennent le gouvernement actuel de Lucas Papadémos, la Nouvelle Démocratie de centre droit (24 % des voix) et le Pasok de centre gauche (14 %), auxquels se joindrait le parti de l'Alliance démocratique (modérés, 3 % des voix).
Quant au risque d'une explosion sociale, « il ne se matérialisera pas si on parvient à remporter des premiers résultats positifs », assure Thanos Dokos, politologue de la Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère (Eliamep)."
Source et remerciements: Les Echos.fr
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