Quand l’hopital se moque de la charité : Les États-Unis sont prêts à punir la Chine, accusée de manipuler le yuan
Les États-Unis sont prêts à punir la Chine, accusée de manipuler le yuan Le Sénat a franchi un premier pas. Pékin s’y oppose fermement La concurrence déloyale aurait coûté deux millions d’emplois américains
En votant par 79 voix contre 19, le Sénat américain a ouvert lundi soir la voie à un projet de loi pour punir la Chine, qu’il accuse de sous-évaluer le yuan et de favoriser ses exportations aux Etats-Unis. Elus démocrates et républicains se sont unis dans cette démarche qui aboutit pour la première fois en six ans. «Nous ne tolérerons plus des pratiques commerciales injustes; le temps de le dire gentiment à la Chine est révolu», a déclaré Charles Schumer, démocrate new-yorkais. Le projet de loi préconise des sanctions en guise de droits de douane punitifs sur les produits importés de Chine.
PLUS DE GUERRE DES CHANGES EN SUIVANT :
Charles Schumer met en avant les arguments suivants: les exportateurs chinois, avec un yuan sous-évalué, pratiquent de la concurrence déloyale au détriment des entreprises et emplois américains. Selon lui, près deux millions de places de travail ont été détruites au profit des entreprises chinoises durant les dix dernières années. Cette politique creuse le déficit commercial des Etats-Unis année après année. Il était de 273 milliards de dollars en 2010, soit 43% de l’ensemble du déficit.
Selon le Peterson Institute for International Economics cité par Business Insider, journal spécialisé publié à Washington, une appréciation du yuan de l’ordre de 20% réduirait le déficit commercial de 120 milliards de dollars par année et donnerait lieu à la création de 500 000 places de travail. Plus libéral, l’Economic Policy Institute estime qu’une appréciation de 28,5% ferait gagner plus de deux millions d’emplois aux Etats-Unis.
Surtaxer les produits chinois
La monnaie chinoise s’est appréciée de 4,9% vis-à-vis du dollar sur l’année écoulée et de 24% durant les cinq dernières années. Mais des économistes américains estiment qu’elle est encore sous-évaluée de 40%. Si le projet de loi est accepté par le Sénat, il reviendrait alors sur la table du Congrès. En cas d’acceptation, il appartiendra au président Barack Obama d’y apposer sa signature. Dès lors, les entreprises se sentant lésées pourraient demander à Washington de surtaxer les produits concurrents chinois.
Il n’y a toutefois pas d’unanimité. Au Congrès, ils sont nombreux les élus, surtout des républicains, qui estiment que cette voie n’est pas la meilleure pour traiter avec la 2e puissance économique qu’est la Chine. Selon eux, Pékin pourrait aussi utiliser la même arme et frapper les exportations américaines. Par ailleurs, plus de 50 organisations patronales ont signé une lettre à l’attention des sénateurs, les mettant en garde contre un effet boomerang. Selon elles, Pékin répondrait par des mesures de rétorsion contre les entreprises américaines installées en Chine. Elles font encore ressortir que surtaxer les produits chinois reviendrait à augmenter les prix et à pénaliser les consommateurs américains.
A Pékin, les autorités chinoises n’ont pas attendu le vote final pour réagir. «Ce projet de loi viole gravement les règles de l’Organisation mondiale du commerce, interfère gravement dans les relations commerciales sino-américaines et la Chine y est fermement opposée, lit-on dans un communiqué gouvernemental. Il se sert de prétendus déséquilibres des changes comme une excuse pour mettre en place des mesures protectionnistes.»
Une guerre commerciale serait malvenue
A entendre les sénateurs américains, la Suisse, le Japon, le Brésil seraient tous des manipulateurs de monnaies
Le taux de chômage aux Etats-Unis monte à 9,1% et les perspectives de création d’emplois ne sont pas brillantes, en tout cas dans l’immédiat. Dans ces circonstances, il est tentant de chercher un bouc émissaire. La Chine s’y prête par excellence.
Mais attention. Ce petit jeu peut se transformer en guerre commerciale entre les deux premières puissances commerciales. Un tel scénario est indésirable alors même que le spectre de la récession a refait surface. Personne ne veut revivre le protectionnisme des années 1930 qui avait contribué à diviser l’Europe.
Mais, surtout, les Etats-Unis sont mal placés pour accuser la Chine de manipuler le yuan. En réalité, qui ne manipule pas sa devise pour avoir un avantage par rapport à son voisin ou à son concurrent? Grâce aux deux programmes d’assouplissement quantitatif, la Réserve fédérale a injecté des milliards pour donner une impulsion à l’économie américaine. Ils ont aussi affaibli le dollar, ce qui a permis de soutenir les exportations. A entendre les sénateurs américains, la Suisse, le Japon, le Brésil et autres Corée du Sud seraient tous des manipulateurs de monnaies.
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