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lundi 21 novembre 2011

Ca sent le feu d'artifice avant Noël? Attention vos yeux !

Excellent article d'un blog que je vous recommande fortement: les-crises.fr
Petit point de situation, beaucoup d’entre vous m’ayant écrit pour m’interroger sur les évènements en cours… On va encore me traiter de “pessimiste”, zallez-voir…
“La différence entre un optimiste et un pessimiste tient au fait que le pessimiste est habituellement mieux informé.” [Claire Booth Luce]

I. Où en sommes-nous ?

Comme vous l’avez vu, la situation  s’est dramatisée la semaine dernière, avec une hausse des taux de presque tous les pays de la zone euro, sauf l’Allemagne. Petit point:
Météo des taux souverains
Comme les taux grecs ont explosé, voici le même avec les pays hors GIP (je préfère ce terme à l’infâme PIGS…) :
Météo des taux souverains
Météo des taux souverains
On voit donc que la situation connaît une aggravation sans précédent depuis le début de la Crise. Je ne pensais pas au passage voir un jour un État européen emprunter plus bas que le niveau actuel du Japon – tout arrive en pleine panique…
L’écart des taux entre la France et l’Allemagne est à des niveaux historiques. Après une hausse de l’écart dû à une baisse des taux allemands, la semaine dernière a vu une hausse du spread liée à une hausse des taux français.
Spread taux france allemagne
Spread taux france allemagne
À vos favoris ! Pour un meilleur pilotage, je vous propose désormais une nouvelle page, avec les taux en direct (merci à Discotonio !) (le lien figure sur la page d’accueil) :

II. Où allons-nous ?

C’est évidemment la question majeure.
Il ne vous a pas échappé, si vous lisez le blog régulièrement, que je fais depuis longtemps part de mes craintes quant à une telle hausse des taux, qui m’apparaît plus que prévisible (ainsi qu’à beaucoup d’autres… Je ne veux pas trop jouer au “Je vous l’avais bien dit”. Mais bon, aussi, je vous l’avais bien dit !!! ;) ).
Je ne veux pas trop aujourd’hui essayer de dire ce qu’il faudrait faire, en étant raisonnable, prudent et en agissant dans l’intérêt de la vaste majorité de la population, car je pense que cela ne va malheureusement pas trop arriver…
Je vais donc essayer d’esquisser les scénarios possibles, avec leurs conséquences, et essayer de juger leur probabilité – puisque l’on m’a demandé il y a peu “tu ferais quoi si tu étais Premier Ministre ?”.
Hypothèse A : On continue comme avant (Probabilité : 10 %)
Ce scénario est simple : après quelques déclarations d’intentions et autres G192, les marchés se calment, et se remettent à prêter aux États à des taux plus faibles : la cavalerie reprend, on recommence à emprunter pour rembourser les dettes venant à échéance.
Il n’y a pas de problème grave dans cette hypothèse dite du “on gagne du temps”, puisque, tant qu’on nous prête de l’argent, on ne peut jamais faire faillite, par définition. Simplement, la situation étant trop grave pour être redressée, l’inéluctable faillite sera plus importante.
Si ce scénario se maintient, les scénarios suivants n’ont plus lieu d’être. Jusqu’à la prochaine crise en tous cas.
Hypothèse B : ça craque. (Probabilité : 90 %)
J’ai dit à de nombreuses reprises que pour moi cette hypothèse est très élevée, et va finir par se produire – car, quand on dépense plus que ce que l’on gagne pendant 40 ans, cela finit forcément mal…
Il se peut que ce scénario commence sérieusement à se manifester dès ce jeudi.
Car, englués dans les commentaires des médias sur la Grèce, l’Italie ou la France, presque personne ne parle plus des États-Unis – coeur de la Crise.
Or la tragi-comédie du relèvement du plafond de la dette américaine du mois d’août a prévu un acte II, commençant ce 23 novembre. Les parlementaires ont en effet relevé le plafond de dette en août (qui a atteint cette semaine la modique somme de 15 000 Md$ – la dette grecque vaut environ 500 Md$…), mais ont créé une “super-commission” du Congrès qui doit se mettre d’accord d’ici le 23/11 sur un plan de réduction des déficits sur les 10 prochaines années. À défaut d’accord, un plan de coupes budgétaires se mettra automatiquement en place pour diminuer le déficit de 1 200 Md$… sur 10 ans ! 50 % de baisse automatique pour la défense et 50 % pour les autres dépenses.
Rappelons que le déficit 2011 est attendu à environ 1 300 Md$ (pour 2 300 Md$ de recettes !), et que ces coupes annuelles de 120 Md$ sur les 3 600 Md$ de dépenses représentent moins de 10 % du déficit et moins de 4 % des dépenses… Elles sont donc déjà ridiculement basses. Or la semaine dernière, la commission n’est même pas arrivée à se mettre d’accord sur une baisse de 643 Md$ sur DIX ans…
Ainsi, même si un accord (forcément minimal) est toujours possible à la dernière minute, j’estime à 90 % la probabilité que la commission échoue. Cela se comprend puisque les positions sont irréconciliables, que l’échec est anticipé et que les conséquences sont connues, ce qui dédramatise un échec.
Sauf que cela va montrer la paralysie politique américaine, et susciter de nombreux doutes sur la solvabilité du pays. Les États-Unis devraient-donc rapidement voir leur notation de nouveau dégradée, sous cette hypothèse.
À partir de ce moment, si le triple A de la France tient encore un ou deux mois, cela tiendra du miracle…
C’est ce que j’ai expliqué jeudi au journal de Radio Classique :
Conséquence : de nouveau, panique sur les marchés obligataires (je ne parle même pas des marchés boursiers), et hausse naturelle des taux.
Soit cela se calme “naturellement”, mais à ce stade, des déclarations ne suffiront pas. Soit cela s’aggrave, et les États se trouvent de plus étranglés par des taux de plus en plus élevés.
C’est fort probable, mais en fait, je crains  qu’il n’y ait pas étranglement par les taux (ce serait quelque chose de long) mais étranglement par assèchement du crédit : quel que soit le taux, les pays risquent de ne plus avoir de prêteurs, et donc manquer d’argent.
Rappelons les chiffres de la France pour 2012 :
  • Recettes budgétaires : environ 200 Md€
  • Dépenses budgétaires : environ 300 Md€ dont 55 Md€ d’intérêts sur la dette
  • Déficit budgétaire : environ 100 Md€ (= 2 x l’impôt sur le revenu !)
  • Amortissements de la dette passée : 200 Md€ de dette court terme + 100 Md€ de dette moyen/long terme.
Donc au 1er janvier, l’État aura 600 Md€ de dépenses quasi certaines, pour 200 de recettes, tout va bien. Triple A, ce beau pays… Besoin de financement : 400 Md€ à trouver sur les marchés.
Vous aurez donc compris que l’aboutissement de l’Hypothèse B est que l’État ne trouve pas les 400 Md€ (s’il les trouve, on est in fine dans l’Hypothèse A !).
On a alors différents scénarios possibles.
Scénario 1 : Relance de la cavalerie = emprunter pour rembourser
On n’en sort pas, et on imagine ici un dispositif qui va permettre de continuer la cavalerie.
Il pourra prendre plusieurs formes :
  • intervention du FMI (mais les besoins seraient gigantesques, qui va pouvoir et vouloir payer ?)
  • euro-obligations : on essaye de mutualiser la dette pour qu’une seule entité émette de la dette. Mais en quoi la réunion de 17 États insolvable va-t-il faire autre chose qu’un super État insolvable ? France, 90 Md€ de déficit et Allemagne, 80 Md€ : je veux bien qu’on fasse une fédération franco-allemande, mais enfin elle aura 170 Md€ de déficit : en quoi est-ce une solution, que va-t-elle pouvoir faire de miraculeux (APRES consensus franco-allemand) que chacun des pays ne pouvait pas faire seul ?  Un super “États-Unis” sans le dollar, l’unité, le prestige et l’influence… Forcément, les taux vont être assez élevés, ce qui va être un plus pour les États attaqués, mais cela va coûter très cher à l’Allemagne et la France (puisqu’elles ont les taux les plus bas d’Europe), ce qui va accentuer leurs difficultés, et donc la crise de confiance. Petit détail, c’est juste interdit par les traités…
  • machin du type FESF-MES : on trouve une structure pour emprunter à la place des États, et qui leur prête ensuite l’argent (Sapeur Camembert, on te salue…). Comme précédemment, cela ne résout rien, on a vu d’ailleurs il y a peu que le FESF avait du mal à se financer (alors avant qu’il ne trouve 1 000 Md€…)
  • emprunt forcé auprès des populations : on oblige les citoyens à prêter leur épargne à l’État (peu crédible, mais possible ; aurait au moins le mérite de renationaliser l’épargne, réduisant les problèmes avec les voisins…)
  • un autre bidule que l’imagination européenne trouvera…
J’y crois peu, car cela oblige les 17 pays à se mettre d’accord rapidement. 10 à 20 % de probabilité.
Risques : 1/ “reculer pour mieux sauter…”    2/ Tensions majeures entre États européens
Scénario 2 : Monétiser
Simple : on demande à la BCE de créer de l’argent pour rembourser – c’est la position très en vue actuellement…
Illusion vieille de 3 siècles : “il est possible de créer de la richesse en imprimant du papier”. Illusion maintes fois démentie par les faits à de multiples reprises, mais comme on ne tire jamais les leçons…
Possibilité de déclencher une forte inflation (plus de 30 % par an) si on monétise tous les besoins. Et si on commence “un peu”, les prêteurs vont fuir (qui va prêter à un État vous disant qu’il vous remboursera en monnaie de singe ???), et il faudra TOUT monétiser – soit les 400 Md€ évoqués plus haut…
Ceci est d’ailleurs tout à fait équivalent à un défaut, puisqu’au lieu de ne pas rembourser une dette, on la rembourse en monnaie dévalorisée, en billets de Monopoly.
Du délire, mais “ensemble, tout devient possible”. Probabilité de 10 à 20 %.
Pas plus, car c’est pour moi le scénario du départ de l’Allemagne de la zone euro, et sans doute la fin de l’euro. Je suis stupéfait de la naïveté consistant à croire, là-encore, que “l’Allemagne n’a pas le choix”. Elle n’a aucun intérêt à quitter l’euro aujourd’hui, mais si on le transforme en billets de Monopoly, ce n’est plus le cas. Outre l’importance viscérale des allemands accordée à une monnaie solide, c’est oublier qu’en cas de sortie de l’Allemagne, sa monnaie s’appréciera fortement. C’est mauvais pour ses exportations, mais excellent pour ses 2000 Md€ de dette, qu’elle remboursera beaucoup plus facilement ! Économie de 500 Md€ en perspective, alléchant…
Elle exportait très bien avec un mark fort ; le président des exportateurs allemands vient de déclarer : “Ce qui est important pour nous, c’est le marché libre ; nous n’avons pas nécessairement besoin d’une monnaie commune. [...] Il y a une vie après l’euro. [...] Une fin de l’euro poserait certes un problème de compétitivité aux entreprises allemandes, mais avec une politique monétaire raisonnable, et en s’entendant avec les syndicats, elles seraient en mesure de le surmonter.”
Le président de la Banque centrale allemande a aussi fait part de son opposition ferme à la monétisation. Rajouté au refus des allemands de prendre la présidence de la BCE et la démission de l’allemand économiste en chef de la BCE, cela donne de quoi être très vigilant sur la position des allemands… Prudence !
Risques : 1/ Inflation de 30 % à 50 %   2/ Retour au mark de l’Allemagne et fin de l’euro
Scénario 3 : Diminuer la dette
Dans cette hypothèse, au final, on ne trouve plus de prêteurs pour continuer la cavalerie. La dette DOIT donc être diminuée.
Rappelons alors un point comptable : s’il existe une dette publique de 1 600 Md€, il existe en face une créance privée de 1 600 Md€ (= les bons du Trésor). Ainsi, “la France” n’est pas endettée, mais l’État, lui, doit de l’argent à certains de ses citoyens. Ainsi, il est faux de dire que “nous avons endetté nos enfants” ; en fait “les enfants de pauvres devront de l’argent aux enfants des riches”.
Dette et patrimoine france
Or, ces 1 600 Md€ ne représentent qu’une fraction des 13 000 Md€ du patrimoine total du pays, des 10 000 Md€ du patrimoine des ménages ou des 4 600 Md€ du patrimoine des 10 % les plus riches des français. C’est une partie importante des 2 700 Md€ du seul patrimoine financier du pays, ou des 1 800 Md€ du patrimoine financier des 10 % les plus riches des français (constitué en bonne partie d’obligations publiques, qu’ils détiennent à environ 70 %…).
Partant de là, et par une simple règle de base de comptabilité, 1€ de dette publique en moins = 1€ de patrimoine privé en moins. Car évidemment, pour rembourser la dette, il faut lever des impôts, et donc appauvrir les français. Appauvrissement relatif, car il s’agit en fait simplement d’une correction de l’enrichissement fictif lié à l’endettement, le même argent ayant été par le passé dépensé 2 fois (une fois par le consommateur, et une fois par l’Etat par la dette, sous condition de remboursement futur…).
Il y a alors donc 2 façons de diminuer la dette :
Scénario 3-1
: par saisie d’une partie de l’épargne des citoyens (impôt exceptionnel sur le capital), et remboursement des créanciers. Quand on accepte un budget avec un déficit de 100 Md€, on accepte automatiquement une levée d’impôt de 100 Md€ dans le futur… Comme les créanciers sont aussi des épargnants, cela revient à prendre 100 € à quelqu’un à qui vous devez 100 € pour le rembourser. Au final, il a bien perdu ses 100 € de départ…
Bref scénario théorique (c’est celui que les néoconservateurs nous vendent façon “l’État peut lever tous les impôts qu’il veut”), pratiquement jamais réalisé dans l’Histoire. Probabilité de 10 % cependant, car il permet de rembourser les étrangers.

Risque : troubles dans le pays
Scénario 3-2 : par défaut partiel, pur et simple, du genre “l’État ne remboursera pas les 10 % les plus riches de la population, ou les créanciers au-delà de 100 000 € par personne, ou que 30 % des créances”…
Scénario brutal, mais c’est celui généralement utilisé dans l’Histoire. Probabilité de plus de 60 %…

Risques : 1/ manifestations à Neuilly et dans le XVIe…   :)   2/ Obligation de revenir à l’équilibre budgétaire immédiatement   3/ conséquences politiques et géopolitiques
Conclusion : je pense donc que nous allons en fait bientôt rentrer dans l’Hypothèse B et vivre les tentations successives de chacun des scénarios, avec le dernier en fin de compte.
À voir et vivre dans les prochains mois… En espérant que l’Hypothèse A se maintienne le plus longtemps possible, et que tout ceci ne se finisse pas trop mal.
Après la phase de destruction d’épargne corollaire à la baisse de la dette, il n’y a aucune raison de ne pas être optimiste pour la relance de l’économie, sur des bases enfin assainies, prélude à un retour d’une “prospérité sobre”…

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