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dimanche 7 août 2011

Alain Minc : "Si l’Italie saute, le monde entier saute" (Source JDD)

L'économiste Alain Minc met en garde contre un risque de contagion de la crise de la dette de certains pays de la zone euro. Extraits de son interview à paraître demain dans le Journal du Dimanche.
Depuis trois ans, nous semblons vivre une crise sans fin, est-ce le cas?
Cette crise n’a rien à voir avec celle de 2008. C’est une crise de la dette de certains pays de l’euro et non pas de l’euro qui reste surévalué face au dollar. Nous subissons un coup de folie qui a trois racines : l’irrationalité des investisseurs, l’inconséquence des banques et l’inculture des agences de notation. Les investisseurs jettent l’éponge par peur d’un risque de contagion de la crise de la dette et d’élucubrations sur les capacités de remboursement de l’Italie. Les banques ne se prêtent plus entre elles craignant une improbable faillite, comme si l’une était à l’abri et l’autre non. Heureusement, la Banque centrale européenne apporte une réponse à ce type de blocage. Et il est fascinant de voir avec quelle superficialité les agences de notation jugent les pays. Pour l’Italie, elles méconnaissent que la dette est majoritairement portée par les Italiens, que 30% de l’économie souterraine ne figure dans aucun compte et ne tiennent pas compte de la force de son industrie. Elles oublient surtout que les pays européens peuvent augmenter leur TVA et compter sur un surcroit immédiat de ressources, contrairement aux Etats-Unis. Cela dit nous traversons une période dangereuse. Il existe toujours un risque comme quand on patine sur la glace.
Comment réagissez-vous au fait que les Etats-Unis ont perdu leur triple A?
Standard & Poors fait l’intéressant comme un enfant. La perte du triple A est secondaire. Les Etats-Unis demeurent l’ultime havre économique. Ce qui était très grave c’est le risque de défaut américain.
D’autres pays détenteurs du triple A comme la France ne risquent-ils pas de subir le même sort?
La France conservera sa notation à trois conditions : un budget 2012 rigoureux, si possible l’adoption de la règle d’or et un signe des leaders socialistes montrant qu’ils ont compris le monde tel qui est. Mais vous verrez que, changement de mode, dans quelques temps, les agences s’inquièteront de la démographie allemande et donc de la capacité du pays à payer ses dettes dans vingt ans à cause d’une population en contraction.

"Nous allons à marche forcée vers la gouvernance économique européenne voulue par la France"

Les marchés eux ne sanctionnent-ils pas plutôt les perspectives de croissance qui sont globalement mauvaises?
Elles sont plus basses que prévu et les marchés actions dévissent en réaction à des facteurs macro-économiques. Ce qui est logique. Mais les spasmes qui agitent le marchés des obligations souveraines et le marché interbancaire, eux, sont irrationnels. 
L’économie va-t-elle en souffrir?
Il faut s’attendre à un ralentissement de la croissance. Aux Etats-Unis, il est en cours. En Europe, il est inévitable. En revanche, la baisse brutale des cours du pétrole et des matières premières, si elle se maintient, va éloigner les risques inflationnistes qui pesaient sur la Chine et les pays émergents. Ils pourront ainsi rester les moteurs de la croissance mondiale.
Croyez-vous au risque de contagion?
Ce risque qui fait sombrer les marchés a un immense mérite : pousser les pays de la zone euro à faire un pas de plus vers l’intégration économique. L’Allemagne ne peut pas se permettre un accident italien. La Péninsule est un partenaire indispensable. Si l’Italie saute, l’Allemagne saute, l’Europe aussi et le monde enfin. Donc l’Italie ne sautera pas ! Nous allons à marche forcée vers la gouvernance économique européenne voulue par la France, en échange des critères de bonne gestion imposés par l’Allemagne.
Les sommets européens peinent toutefois à vendre au marché leur plan de sauvetage des pays de la zone euro.
L’anxiété diffuse des marchés s’est déplacée vers le Fonds de soutien européen jugé insuffisant. Certains prônent d’accroitre son budget. Or ni l’Espagne ni l’Italie n’en ont besoin à court terme. L’Espagne a un problème d’équilibre budgétaire et l’Italie de dette. Mais comme les marchés sont une réalité avec laquelle nous devons vivre, leur pression nous pousse à envisager d’autres solutions, comme la mutualisation des dettes et la mise en place d’une politique budgétaire commune.

"Les intérêts égoïstes ont repris le dessus"

Même constat d’échec du côté du G 20 qui n’a pas régulé les marchés pour encadrer les mouvements spéculatifs et les agences de notation?
Le G 20 s’est montré efficace lorsque tous les pays membres avaient la peur au ventre, lors de sa première réunion. Depuis les intérêts égoïstes ont repris le dessus. On a néanmoins beaucoup régulé. Mais ces sujets ne sont pas simples. Chaque fois que l’on met des interdits, les activités hors marché se développent. Aujourd’hui l’urgence c’est la coordination macro-économique. Elle est indispensable tant les déséquilibres se creusent entre pays déficitaires et excédentaires. D’ailleurs les Chinois commencent à prendre peur. Bonne nouvelle !
Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines?
Dos au mur, les Européens décideront d’émettre des euro-obligations pour financer le fonds de soutien européen et d’imposer à chaque pays membre des règles budgétaires strictes.
Dans ces conditions, la politique de rigueur en France va-t-elle se durci?
En Europe l’endettement par rapport au PIB est de 80% en moyenne. il est de plus de 100% aux Etats-Unis. Il y a trois façons de la résorber : une guerre qui est heureusement inconcevable, le retour de l’inflation qui est hors de l’épure à cause de la mondialisation et la rigueur. Si nous faisons 2% de croissance dans la zone euro ce n’est déjà pas si mal. Tout l’enjeu est de définir une politique de rigueur socialement juste et acceptable.

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